CLOYES, la croisade des enfants en 1212
La Croisade des Enfants en juin 1212
Parti de Cloyes pour
délivrer Jérusalem, la croisade des enfants, n'est sans doute pas une
croisade de 30 000 enfants, mais plutôt de pauvres paysans de la région
dunoise et vendômoise. C'est la thèse d'historiens Georges Duby et
Philippe Ariès
Le mouvement est né en Allemagne, dans la
région de Cologne, en 1212, entre la Pâques et la Pentecôte (25 mars-13
mai). Un brasseur de Cologne, prénommé Nicolas selon les chroniqueurs
de l'époque, aurait déclaré avoir eu la vision d'un ange l'appelant à
délivrer le Saint-Sépulcre des musulmans. Des milliers de personnes
répondent à cet appel prétendument divin et se mettent spontanément en
marche vers Jérusalem. Les pèlerins se dirigent vers l'Alsace,
franchissent les Alpes en Autriche et gagnent Gênes, où le mouvement se
disperse rapidement. Quelques-uns embarquent néanmoins pour la Terre
sainte. Une minorité revient finalement en Allemagne.
Le mouvement
s'étend à la France en juin 1212, après qu'un jeune berger de Cloyes,
prénommé Étienne, eut fait part de sa vision du Christ, lui étant
apparu sous les traits d'un pèlerin affamé détenant une lettre pour le
roi de France. Quelque 30 000 personnes, peut-être, affluent de toute
le royaume et font route vers Saint-Denis où Étienne aurait accompli de
nombreux miracles. Philippe II Auguste, après avoir consulté les
maîtres des écoles de Paris, disperse le mouvement et renvoie les
pèlerins chez eux.
La légende de la Croisade des enfants s'est
constituée vers 1250-1252, quand des chroniqueurs ont relaté l'histoire
d'un rassemblement d'enfants, venus de toute l'Allemagne et de toute la
France, autour d'un jeune prophète. Ils narrent une expédition menée
par des enfants jusqu'en Terre sainte, pour laquelle Dieu fend les eaux
de la Méditerranée, leur permettant de traverser à pied sec. Après cet
épisode rappelant la sortie d'Égypte du peuple juif mené par Moïse, les
enfants auraient été kidnappés par des brigands et vendus sur les
marchés d'esclaves
Entre légende et réalité, il est difficile de
faire la part des choses. Les travaux de Philippe Ariès et de Georges
Duby tentent d'apporter une réponse audacieuse, mais très pertinente.
La Croisade des enfants n'a pas été celle de jeunes mineurs mais plus
probablement celle de paysans marginalisés par les transformations
économiques du XIIème siècle, désignés par le terme latin pueri,
renvoyant à des personnes en situation de dépendance ou de servilité.
Si
elle s'inscrit dans le contexte des croisades menées par les chrétiens
d'Occident contre les musulmans, la Croisade des enfants se distingue
de la guerre sainte des chevaliers au service de l'Église puisqu'il ne
s'agit pas, dans ce cas, d'une expédition militaire. Le mouvement de
1212 se différencie également des croisades populaires précédentes,
caractérisées par une grande violence. Si la croyance au millénium
(l'apparition d'une Jérusalem céleste sur Terre après le Jugement
dernier) n'est pas absente de la Croisade des enfants, cette dernière
porte essentiellement les aspirations de la réforme religieuse ayant
débuté au XIIème siècle et préconisant le retour à la pauvreté des
premières communautés chrétiennes.
Cette dimension explique sans
doute pourquoi les chroniqueurs ont magnifié le mouvement et insisté
sur l'innocence des participants, représentés par les enfants.